lundi 18 juin 2007

Architecture du chateau de Lacroix-Falgarde

Il fait partie de l’ensemble des châteaux (dont La Réole, Caumont Ferrals constituent d’autres exemples) construits dans la 2ème moitié du XVIème siècle donc en pleines guerres de religion, donc en pleine période d’insécurité, ce qui justifie la présence de quatre tours à profil aigu au caractère défensif contre les éventuels coups de mains. N’oublions pas que François Delpech a été intimement lié à la guerre civile, puisqu’il part lui-même en campagne pendant cette période d’âpres luttes dans la région toulousaine.

Par ailleurs, on retrouve le plan type de ces constructions : des bâtiments autour d’une cour carrée avec quatre tours aux coins renvoient à ceux de Madrid, de Challuau, d’Ancy le Franc eux-mêmes inspirés du plan du Poggio Reale à Naples, ce qui montre le degré de culture du commanditaire au fait des nouveautés de la région parisienne. Ce plan est abondamment utilisé dans la région, à Varennes, La Réole, Ferrals, Caumont, qui présentent les mêmes tours défensives losangées proposées depuis 1540-1550 par Serlio dans son Sesto Libro.

A l’extérieur, l’absence d’ordre, la bichromie, les toits à la française rappellent le château de Vallery (1548), construction simple, mais riche d’effets qui sont utilisés même en province, en particulier dans la région toulousaine où le manque de pierre s’y prête et en particulier à Lacroix Falgarde puisqu’il s’agissait d’une résidence campagnarde. On peut aussi trouver des antécédents au décor des fenêtres. Les cercles toulousains qui gravitent autour de Nicolas Bachelier élaborent des fenêtres à croisillons dont la traverse sculptée comme une portion d’entablement isole deux ordres superposés sur la jouée ou sur la face du montant.

L’hôtel de Bagis construit en 1539 fournit ces deux variantes dans la cour. Au château de Pibrac, seul le meneau associe cette superposition des ordres à une traverse en forme de corniche. Ici nous sommes devant une nouvelle évolution de ce décor : en plus des ordres présents ici aussi sur le meneau, traverses et meneaux sont complètement recouverts de motifs antiques très finement élaborés, ce qui montre la variété des solutions adoptées et l’originalité de la région.

On retrouve exactement le même décor sur le meneau des fenêtre de la façade d’entrée du château de Tarabel qui, d’après Roger Camboulives dans l’Auto, sont des éléments authentiques du château des Coustous daté de 1540. On retrouve aussi quelques-uns de ces éléments sur les fenêtres de l’hôtel d’Assezat (1555) et du château de Padiès (1617).

L’escalier droit, rampe sur rampe, avec mur noyau, paliers et repos, est tout aussi représentatif de la période et de l’environnement régional. Il s’inspire de l’Italie et des escaliers droits des châteaux construits dans l’entourage royal et présente le même aspect que ceux de l’hôtel d’Umo (1540), de l’hôtel de Bagis (1540) et des châteaux de La Réole (1579), Caumont, Ferrals (1564), même si dans le détail il existe des différences.

Selon la tradition française un grand soin a été apporté à la réalisation de cet escalier . Le décor très minutieux, mis en valeur par la bichromie résultant de l’emploi de la brique et de la pierre, fait appel aux multiples éléments italianisants bien assimilés par les architectes et les maîtres maçons français.

L’aménagement intérieure présente également des éléments analogues à ceux des châteaux de la même génération. Les sous-sols abritent les cuisines, ce qui correspond au goût très français du confort et de la commodité. On retrouve cette caractéristique aussi bien dans l’entourage royal (hôtel de Ferrare 1544, château de Vallery (1548)…), que dans la région (hôtel d’Assezat 1555, château de La Réole où il existe deux étages de sous-sol…..) et ceci donc aussi bien pour des hôtels particuliers que pour des châteaux.

Certains choix dans la structure et les motifs du décor sont révélateurs des liens entre les châteaux et les modèles urbains et des liens, y compris familiaux, entre artistes : la comparaison entre les escaliers de l’hôtel de Bagis et du château de Lacroix Falgarde est significative à ce sujet. Nous savons que Nicolas Bachelier a construit le premier, nous pouvons supposer que son fils, Dominique Bachelier, a participé à l’élaboration du second d’autant plus qu’il présente les mêmes caractères que celui de La Réole construit par Dominique Bachelier.

Nous pouvons faire la même supposition concernant la cheminée du 1er étage de briques moulurées et pierres, qui fait penser à celle de La Réole, œuvre de Dominique Bachelier aussi. François Delpech et Dominique Bachelier entretenaient en effet des relations d’affaires, voire amicales, (grâce aux archives, on sait par exemple qu’en 1574 François Delpech lui paie ses gages de maître d’œuvre et réparations royales), de là à penser que le grand artiste toulousain a été chargé de la conception générale du château, il n’y a qu’un pas.

La similitude du plan avec celui de La Réole ainsi que le même type d’escalier mis en place dans les deux châteaux confirment cette hypothèque. Des études récentes attribuent à Dominique Bachelier la construction de Caumont, Ferrals. Ceux-ci, ainsi que La Réole, Les Varennes, Lacroix Falgarde, implantés dans une zone proche de Toulouse, à une époque où Dominique Bachelier était chargé des principaux chantiers en activité dans la région, constituent un groupe caractéristique qui peut inciter à voir en lui l’architecte de toutes ces constructions, un architecte au sens moderne du terme qui concevait le bâtiment mais en laissait l’exécution à des maîtres maçons ;

A noter enfin une grande cohérence entre le décor extérieur et le décor intérieur, en particulier dans l’alliance brique et pierre, l’emploi de la pierre étant un signe de richesse. Cette mode du brique et pierre caractérise le château de Vallery (1548) et la cour du Cheval Blanc à Fontainebleau (1570).

Le château de Lacroix-Falgarde, sur le plan architectural, est pour l’essentiel bien ancré dans le contexte régional et bien dans le goût du temps pour une architecture savante inspirée des modèles italiens et parisiens.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Thanks for writing this.